Petite station thermale du centre de la France en période estivale 2020.
Trois-cents
curistes enregistrés au compteur au lieu de mille attendus. Certes,
l’effet coronavirus sévit partout, y compris dans les bourgades les plus
reculées de France où le temps semble s’être figé dans les années 60 !
Pour le plus grand plaisir des habitués qui vivent ainsi l’illusion de
ne jamais vieillir.
Sur la pittoresque place centrale, les commerces affichent parfois
leur arrogant monopole. Pas toujours à la hauteur des prestations
fournies du reste. Sur la terrasse, quelques tables libres : le patron,
Marcel (pour les habitués), blanc comme un linge et sans doute essoré
par l’effet « Covid » nous invite à prendre le menu annoncé à
l’intérieur, car à l’extérieur, ce choix n’est pas de mise.
– « Vous ne voyez pas que c’est inscrit sur la pancarte, à l’entrée, là
? » nous lance-t-il, mi excédé mi méprisant. On serait presque tentés
de s’excuser d’être là, devant un tel personnage. Par politesse, nous
nous plions à ses sèches injonctions.
Déménagement à l’intérieur, donc, dans une immense salle plus propice
aux thés dansants qu’à la restauration. Soit. Au moins, les
distanciations sociales sont d’emblée respectées dans un espace, digne
d’une cantine SNCF XXL. Vingt minutes plus tard, une hypothétique
serveuse consent à prendre la commande. Le ton, au diapason avec celui
du patron, devenu invisible pendant tout le service. Sans doute a-t-il
mieux à faire que d’aider son énième et unique serveuse (le Turn Over marche à plein régime dans cet établissement aussi anachronique que sa dizaine de clients).
Une demi- heure plus tard, l’entrée arrive enfin, sans sourire et
sans un mot. La salade est comestible. C’est déjà pas mal. Ce n’est pas
la saison des champignons. Aucun risque à l’horizon, ose-t-on espérer.
Dix minutes plus tard, le poisson arrive aussi congelé que le
service. Glacial. La sauce passe moins que celle de la salade. Ambiance
digne de l’Allemagne de l’Est des années 50, avec lumières artificielles
et fleurs en plastic. Kitch. Plus loin, un voisin de table retraité,
peut-être curiste, semble noyé dans son assiette. Un officier retraité
de l’armée ? Seul et discipliné. Résigné en tous cas.
Une lueur d’espoir renaît avant le dessert promis, à l’énoncé des boules de glace au citron. Un peu de peeps réveillera
tout le monde de ce cauchemar éveillé. Manque de chance, difficile de
trouver la boule salvatrice sous une montagne de crème chantilly, non
programmée ! Les allergiques n’auront qu’à bien se tenir et ravaler leur
salive. Elle atterrira pour nous dans une soucoupe improbable et non
volante. Tant pis pour les amateurs !
Une bonne heure plus tard, la facture arrive pour cette escale
thermale. Chouette, le patron réapparaît pour encaisser, coté bar.
L’énième et nouvelle serveuse fait chauffer la machine à carte bleue, un
peu plus loin.
Avant même que nous ayons salué l’aimable assistance de curistes
résignés, le patron propriétaire, sans doute usé par des années de
service s’est déjà éclipsé.
C’est aussi bien. Pour nous, pour lui. Pour la collectivité !
L’heure de la retraite a certainement dû sonner il y a bien longtemps dans son horloge interne. Pas la peine d’en rajouter !
Comme
quoi, la retraite anticipée aurait du bon et devrait être prescrite en
pareille occasion, surtout dans une station thermale…encore renommée.
Pour la santé de tous !