Le zèbre de Robert Desnos
Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d’un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l’écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison sur son pelage,
A laissé l’ombre du grillage
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Demain, dès l'aube...
Victor Hugo, extrait du recueil «Les Contemplations» (1856)
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La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Un éclair… puis la nuit! – Fugitive beauté
Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
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« Les
maillots qui grattent », extrait de Le voile noir (Anny Duperey)
Oh ! Une
réminiscence ! Un vague, très vague souvenir d’une sensation d’enfance : les
maillots tricotés main qui grattent lorsqu’ils sont mouillés…
Ce n’est pas
le plus agréable des souvenirs mais qu’importe, c’en est au moins un. Et je
suis frappée de constater encore une fois, en regardant sur ces photos les
vêtements que nous portons ma mère et moi, que tout, absolument tout, à part
nos chaussures et les chapeaux de paille, était fait à la maison. Jusqu’aux
maillots de bain. Que d’attention, que d’heures de travail pour me vêtir ainsi
de la tête aux pieds. Que d’amour dans les mains qui prenaient mes mesures,
tricotaient sans relâche. Est-ce pour me consoler d’avoir perdu tout cela, pour
me rassurer que je passai des années à fabriquer mes propres vêtements, plus
tard ? Et puis qu’importe ces histoires de vêtements, de maniaquerie
couturière, et qu’importe cette vague réminiscence des maillots qui grattent,
si fugitive que déjà je doute de l’avoir retrouvée un instant… Ce qui me
fascine sur cette photo, m’émeut aux larmes, c’est la main de mon père sur ma
jambe. La manière si tendre dont elle entoure mon genou, légère mais prête à
parer toute chute, et ma petite main à moi abandonnée sur son cou. Ces deux
mains, l’une qui soutient et l’autre qui se repose sur lui. Après la photo il a
dû resserrer son étreinte, m’amener à plier les genoux, j’ai dû me laisser
aller contre lui, confiante, et il a dû me faire descendre du bateau en disant
« hop là ! », comme le font tous les pères en emportant leur enfant dans leurs
bras pour sauter un obstacle. Nous avons dû gaiement rejoindre ma mère qui
rangeait l’appareil photo et marcher tous les trois sur la plage. J’ai dû vivre
cela, oui… La photo me dit qu’il faisait beau, qu’il y avait du vent dans mes
cheveux, que la lumière de la côte normande devait être magnifique ce jour-là»
Et entre mes deux parents à moi, si naturellement et si complètement à moi pour
quelque temps encore, j’ai dû me plaindre des coquillages qui piquent les
pieds, comme le font tous les enfants ignorants de leurs richesses.
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