jeudi 4 janvier 2024

Le syndrome de l'imposteur ?

 Alors que je repérais un passage assez " renversant " dans un livre de Bernard Werber , sur le syndrome de l'imposteur développé chez certains éléments très doués dans un milieu professionnel où les médiocres sont au pouvoir par loyauté à celui qui les y a placés, où l'excellence est bannie, histoire de ne pas trop faire d'ombre, un de mes fils me fit cette remarque et m'apprit ainsi un nouveau mot . Le premier " gros mot " de l'année 2024 lié à ma trouvaille :

La Kakistocratie ! Que la sonorité de couleur caca d'oie  n'induise pas non plus dans une fausse direction, à savoir militaire ! Venue de la Grèce, ces deux racines éthymologiques renvoient donc au mot " pouvoir " et au mot " médiocres"  ! A ceux qui se plaignent de vivre en Démocratie, certes imparfaite, qui préférent la Royauté ou les Dictactures, une autre réalité tangible existe donc . Le règne des médiocres par loyauté à ceux qui les y ont placés pour asseoir leur pouvoir, quasi mafieux ! 

En allant plus avant dans la recherche des définitions, on apprendra donc que ce mode de fonctionnement n'existe pas que dans les romans de  Bernard Werber mais parfois dans certaines réalités professionnelles où chacun est invité à ralentir son rythme, à ne pas trop réfléchir pour innover et encore moins à faire avancer le schmilblick cher à feu Coluche ! Bref, s'adapter aux dysfonctionnements structurels plutôt que de chercher à les résoudre : rester et s'adapter à la loi inepte du silence ou partir.

Sauf que ce " fameux syndrome de l'imposteur " s'il est parfaitement contre-productif engendre de sérieux dégats, à commencer par la confiance en son talent. Puisque ce  présumé talent est jalousé au mieux et craint au pire, il conviendra de le faire étouffer dans l'oeuf. D'une manière insidieuse ou d'une autre plus drastique . Curieuse approche d'opérer il est vrai. On se demandera alors tout naturellement, mais à qui profite ce crime ?

Les dictatures ou fonctionnements mafieux connaissent bien cette petite musique anesthésiante pour ceux qui la subissent. La méthode permet de conserver ad vitam eternam les tyrans de tous acabits au pouvoir. A grande échelle comme à petite échelle .

Pas étonnant que de nombreux jeunes  ( ou moins jeunes ) talents quittent notre pays à ce train là : c'est ce que les anglo-saxons appellent the Brain Drain (  la fuite des cerveaux ) ! Peut-être se sentiront -ils mieux à leur place ailleurs puisque celle qui leur est impartie chez eux  les renvoie à ce fameux " syndrome de l'imposteur ". Quand les plus talentueux doutent constamment et les moins doués ne se remettent jamais en cause.

Comme quoi notre place n'est pas toujours à celle que l'on croit, que l'on veut ou que l'on imagine . 

Quelle imposture !





lundi 4 décembre 2023

Wanda ou l'art épistolaire !

 A la neuvième édition paloise du festival " les idées mènent le monde ", c'était un peu le même principe qu' au festival d'Avignon : à savoir, le programme officiel d'un côté avec les 23 " pointures  " invitées comme Costa Gavras, Philippe Labro , Jean Birnbaum ou Patrice Duhamel, et le programme "Off " en parallèle.

En sous-sol du magnifique Palais Beaumont se produisent aussi parfois de belles rencontres plus interactives. Des écrivains sur le mode plutôt artisanal tentent aussi de partager leur passion avec le public intéressé. Des poètes, des nouvellistes, des auteurs de polars et cette fois-ci une ancienne professeur qui s'adonne à l'art épistolaire, non sans malice.

Après ses deux premiers romans (" J'ai pas ma place "* et " la mémoire écrasée "*) assez sombres voire douloureux, Wanda Koméza, née en Gascogne, d'origine polonaise, s'amuse en se mettant dans le peau d'anciennes étudiantes qui écrivent à leur professeur de philo.
Treize lettres à la chute inattendue toujours, auxquelles les réponses apportées par le professeur ne sont pas toujours celles que l'on attendrait.

Le ton humoristique apporte un peu de légéreté à des sujets pourtant bien inquiétants parfois.

J'ai un peu voulu prendre une revanche sur tous ces sans-gênes, ces pique-assiette et autres profiteurs " que l'on subit parfois sans rien dire, confie-t-elle avec son regard aussi profond que pétillant.

Treize lettres savoureuses à lire, illustrées par Pierre Lafontaine. Un style totalement différent de ces deux précédents ouvrages. Ou l'art et la manière de se réinventer à chaque fois ?

Sa dédicace en dit long sur ces intentions épistolaires : "Vous sera-t-il aisé de les éviter, tous ces fâcheux, ou de vous moquer d'eux ? Joyeuse lecture ! ".


* " J'ai pas ma place " chez Mon Petit Editeur 2016

* " La mémoire écrasée " chez l'Harmattan 2018

* " Que répondez-vous, Professeur " ? Le lys bleu.


jeudi 30 novembre 2023

" Les rapaces "

 Sycophante . 

Un gros mot pour définir le travail précis et rigoureux d'une enquêtrice tenace ? 

Pour les grecs, il s'agissait du nom attribué à ceux qui dénonçaient les voleurs de figues ! Des lanceurs d'alerte en quelque sorte pour les uns, des délateurs pour les autres ?

Ainsi pourrait se définir  Camille Vigogne Le Coat, dans le sillage d'une Ariane Chemin .

Les amateurs de polars seront servis avec cette nouvelle enquête sur les affairistes varois et leur modus operandi décortiqué à la loupe, preuves irréfutables à l'appui. 

Un ouvrage clair et limpide qui se lit d'une traite pour ( re) découvrir un système qui certes précédait les élus locaux actuels , selon les confidences d'un  François Léotard lui même. 

Les amateurs de fiction n'ont pas à aller chercher bien loin quand la réalité la dépasse souvent de loin à lire cette enquête minutieuse. On comprendra ainsi facilement tout le sens donné à la maxime populaire : " quand le bâtiment va, tout va..." .

Une idée de cadeau de noël abordable et instructive   grâce à la détermination d'une enquêtrice qui n'a pas froid aux yeux !

* " Les rapaces " aux éditions des Arènes.

samedi 4 novembre 2023

Les génies des maths !

 A ceux qui désespèrent de comprendre le monde des mathématiques et encore moins les matheux, une seule prescription : "Le théorème de Marguerite" d'Anna Novion. Il en faut bien du talent pour rendre un sujet aussi pointu que le monde des chercheurs en mathématiques si captivant. 

Marguerite, élève brillante était sur le point de présenter sa thèse de recherches à l'école normale sup, soutenue auprès de son professeur Werner (Darroussin en chercheur froid, orgueilleux et obstiné) lorsqu'une question posée par un second doctorant vient ébranler toutes ses certitudes. Mentoré par le même professeur, ce surdoué (Julien Frison de la comédie française) mène aussi l'enquête sur la conjecture de Goldbach.

La dérive de Marguerite avec les chinois
 (Anna Novion/Pyramide Films)
 
Le long cheminement de cette élève, aussi géniale que coupée du monde qui l'entoure, est retracé ici avec brio, nuances et rebondissements.
A ceux qui n'y comprennent absolument rien à la passion dévorante des maths, comme à ceux qui la partagent, est dépeint ici le feu sacré de tout chercheur.

Les presque deux heures de sa chute à la renaissance dans ce milieu si fermé des chercheurs filent à la vitesse grand V tant les personnages sont profonds et attachants.

Clodilde Courraud, la mère de Marguerite dans le film, qui a repéré le "don" de sa fille lorsqu'elle l'aidait à corriger ses copies de maths au collège, apporte un peu la clé psychologique du fonctionnement de ce personnage atypique par son histoire familiale.

Personnages atypiques pour genre atypique, à la croisée du thriller psychologique, du drame et parfois même de la comédie romantique.

Une belle surprise pour cette rentrée cinématographique, présentée hors compétition au festival de Cannes en mai dernier. 

lundi 30 octobre 2023

Le poète a dit la vérité mais il ne faudra pas l'exécuter !

 A l'heure de l'inauguration de la Cité Internationale de la Langue Française au château de Villers-Cotterêts, cette interview très locale  pour ne pas dire " viscinale " de Bigorre ,  d'un normand de naissance, amoureux de la langue française, poète à ses heures et panetier de son état :

Bonjour ainsi tu es poète ?

Oui, Dieu m'a fait ainsi, dans une difficulté à aimer les maths et avec une certaine aisance pour jouer avec les mots.

Est-ce depuis longtemps ?

Depuis mon enfance, je suis né dans une ferme et la poésie poussait d'elle même, la nature en regorge. Je ne faisais que la capter, la respirer avant de la restituer avec mon coeur, ma tête et mes sens.

Tes parents étaient férus de poésie ?

Ils étaient laborieux, tous deux les mains caleuses et le verbe paysan parfois patois et de bonne éducation chrétienne.

Ils t'ont initié aux travaux de la ferme ?

Certes oui, je passais du champ à l'étable, du verger au poulailler, je savais imiter le chant des animaux et je vibrais de tous mes pores à chaque merveille de la création, les ordinateurs n’existaient pas, aucune image artificielle ne ternissait mon âme...

Comment devient-on poète  ?

On devient poète si l'on est un rêveur, un penseur, un amoureux d'une langue et si possible un amoureux du "verbe fait chair".
Il faut avoir vécu dans du beau ou du laid, baigné dans l'amour ou dans le mépris.
Il faut avoir tué la rancœur dans le pardon des larmes ou être compatissant à la souffrance de nos semblables.
Il faut un esprit rieur allié à un cœur bon, il faut un peu d'instruction ou bien un bel esprit curieux, espiègle sans doute.

Inné ou acquis ?

Inné parce que c'est un don divin : certains sont diplomates, d'autres poètes, d'autres sont des chefs, d'autres encore comptables.
Acquis ? oh non rien ne l'est ici bas !
Le poète orgueilleux vit avec une épée sur la tête, l'a v c ou l’Alzheimer le guette.
Le poète trop sérieux se dessèche sous les lampadaires de l’embourgeoisement.
Le poète plagiaire finit par se détester face à son miroir.
Le poète isolé de toutes relations humaines ne voit plus que sa propre laideur, ses mots sont des maux.
On ne peut pas acquérir des vers comme on acquiert de l'argent, il faut savoir être canal du bien comme le sourcier qui sonde les veines souterraines.
Attention cependant de livrer son âme au vrai Dieu et non pas à son singe qui est le diable !

Comment définirais-tu la poésie ?

La poésie, la vraie, se compte en pieds, en alexandrins.
C'est la véritable poésie, sculptée dans l'épaisseur de notre langue française, qui est elle-même enracinée dans la langue latine.
Cet art là existe peu aujourd'hui car une conception moderne de la poésie a, pour le moment, supplanté l'originale.
Il suffit à présent de monter un canevas de mots plus ou moins cohérents avec des rimes pour fabriquer de la poésie moderne comme on fabrique de l'art pictural avec un gribouillis de couleur.
Néanmoins, le poète libre du XXI e siècle doit apporter une certaine fraîcheur à l'intelligence de son lecteur pour prétendre à un art certain.

Que t'apporte-t-elle ?

Personnellement, j'accouche ma pensée irriguée par mon coeur, je livre un peu de mon âme heureuse ou triste à celui qui voudra me lire.
Je noircis une page avec tous les mots qui m'habitent à un instant T parce qu'un sentiment aura produit cela en mon for intérieur.
Comme je ne peux pas livrer cela dans le langage banal de la vie quotidienne, je grave une poésie à la manière d'une épitaphe sur le granit d'une tombe.
J'ai envie de donner quelque chose à un lecteur potentiel et c'est tout.
A part ça, je n'aime pas les retours sur moi comme on n' aime pas entendre sa voix dans un enregistrement.

Petit discours francophile


Sous le soleil pâle d'automne,
Mots choisis pour une occasion,
Excepté celui de Cambronne,
Par eux, je livre mon émotion.

Tendres enveloppés de fleurs,
Fermes appuyés sur une racine,
Drôles, sortants à la bonne heure,
Serrés comme dans une boite de sardines.

Vous ne les aimez pas politiques,
Vous les aimerez autrement,
Chantant en bouquets poétiques,
Servis avec un verre de crémant.

Qu'allons nous faire de notre langue ?
Si raffinée, courtoise et conquérante,
Même si notre beau bateau tangue,
Elle ne devra jamais être dormante.

Les mots engagent toutes nos actions,
Ils s'ajustent dans notre labeur quotidien.
Les mots permettent à nos relations,
D'apporter la paix à notre méridien.

Il a fallu pour cela que le verbe s'incarne,
Dans notre pauvre chair désorientée,
Voulant éviter que notre âme se damne,
Notre Sauveur mort fut ressuscité.

M.L.