vendredi 14 décembre 2018

Les Apprenantes .

Elles étaient douze assises autour des tables en U ; de tous les âges , des marocaines, des algériennes avec leurs yeux noirs perçants, concentrés mais jamais baissés. Avec leur joli foulard sur la tête comme nos grand-mères d'antan.
Il fallait voir leurs regards reconnaissants et leurs sourires quand nous nous intéressions à elles, leur histoire, leur apprentissage de la lecture. Sans condescendance. Dans le partage du savoir, tout simplement.
Ma Me Mi Me Mo ont-elles écrit et répété ; elles auraient aussi bien pu les chanter à la manière des cantatrices d'opéra qui chauffent leur voix avec leurs vocalises.
La bienveillance et la fermeté mêlées de Christelle,cheveux argentés et yeux enchantés, menait tout ce petit monde féminin toujours un peu plus loin, un peu plus vite, au fil des jeux de lettres inventés.
Des jeux artisanaux, fabriqués maison avait-elle l'air de s'excuser .
Izzia a pris le temps de nous expliquer qu'elle venait d'adopter sa nièce, la fille de son frère. Ouarda est devenue rouge tomate quand elle a découvert son portrait dans le journal. Trois Aïcha aujourd'hui.
La nouvelle Aïcha, tout sourire, parle français avec l'accent du midi depuis le temps qu'elle est installée à Uzès ! Mais elle apprend doucement à écrire, projette de passer son permis de conduire depuis que son mari l'a quittée pour une plus jeune. Elle garde son sourire, quoiqu'il arrive.
A l'heure du goûter, un beau petit garçon marocain est venu chercher sa maman dans la classe . Le monde à l'envers, ai-je murmuré.
Il fallait dire que toutes ces " apprenantes " avaient pris le temps de se présenter au départ, de se re-connaître. La transmission de tout savoir, partagé ou pas, ne passe -t-il pas par ces présentations ? La moindre des choses, somme toute.
Car au commencement, était le Verbe.

jeudi 6 décembre 2018

" Pupille" .

Sortie cette semaine du deuxième film de la fille de Miou-Miou et Julien Clerc, Jeanne Herry avec: "Pupille".
Drôle de mot pour un état à part, de suspension de l'identité.( Rien à voir avec la dilatation ou pas des pupilles lorsque tout être humain normalement constitué manifeste face à une émotion ! )
A l'heure des sujets controversés et discutés  de bioéthique , le long chemin de croix des parents adoptifs, de la mère naturelle et du petit Théo sont dépeints ici avec toute la sensibilité et la délicatesse qu'un tel sujet impose. Théo constituant la prunelle des yeux de tous .
Sandrine Kiberlain est l'éducatrice  spécialisée qui prendra soin du bébé avant qu'il ne rencontre Alice : la mère adoptante qui essaye depuis 10 ans d'avoir un bébé. Gilles Lelouch, après sa performance du " Grand bain " joue juste, bouleversant , encore plus que d'habitude.
" J'ai choisi de montrer des gens qui travaillent bien et qui portent ce bébé qui va de bras en bras jusqu'à ce qu'il trouve une famille, dans ce temps suspendu avant l'adoption " explique la réalisatrice.
L'occasion de vivre de l'intérieur ce que peuvent ressentir ces êtres, tous en attente d'amour, avec tous les gens de l'ombre, assistantes sociales, éducateurs, qui se distinguent ici par leur empathie, leur bienveillance et leur volonté de bien faire. " Mon travail n'est pas de trouver un bébé à des parents qui souffrent mais de trouver les meilleurs parents possibles à  des enfants qui souffrent " résume l'éducatrice spécialisée ( Sandrine Kimberlain ) .
" Il y a dans la vie des champs de mines et des champs de fleurs, à vous de savoir si vous avez réussi à déminer votre champ " expliquera la professionnelle de l'adoption à la maman adoptante, pour la responsabiliser sur un acte qui engagera toute une vie. Un cheminement  qui navigue entre précision du documentaire et émotion de la fiction.
A ne pas rater, dans une période sensible, où la dimension humaine et bienveillante doit prendre enfin  toute sa place.

lundi 3 décembre 2018

Les " suffisants "

Il fallait voir leurs regards teintés de ce sentiment de supériorité venu d'on ne sait où  posés sur les têtes brunes et parfois voilées, sagement assises. A l'écoute de leur docte savoir. Car eux savaient. Ils étaient allés à l'école , avaient obtenu les diplômes.
C'était trop aimable de leur part de s'attarder ainsi à leur apprendre les rudiments de la lecture, le B.A. BA, pour elles, venues d'outre- Méditerranée.
Les   "suffisants" plaquaient mécaniquement leur  inoxydable grille de savoir sur elles, perdues, venues d'ailleurs.
Elles qui ne savaient ni lire ni écrire le français, venaient  pourtant du pays de l'algèbre et des nombres. Là où l'on écrit à l'envers, de droite à gauche non de gauche à droite. Là où l'on sait compter.
-" Faites comme les enfants, entraînez -vous bien à la maison surtout "! suivez bien chaque ligne ,sans déborder ! " leur était-il indiqué avec la plus parfaite conviction.
L'enfer n'est-il pas pavé des meilleures intentions ?
-" Mais Madame, justement, nous ne sommes plus des enfants, nos cerveaux sont des cerveaux d'adultes " répliqua Aïcha,  la doyenne du groupe, l’œil noir et vif aussi perçant qu'un aigle !

Oups . 

Silence embarrassé et sourires malicieux des " ignorantes "solidaires.
Des anges passèrent dans la petite salle de classe.
Ne sachant ni lire ni écrire certes, Aïcha venait de relever le point crucial .
Avec tous les savoirs acquis, les" suffisants" avaient  juste oublié qu'avant de  transmettre un savoir, il convenait d'abord  de reconnaître son auditoire, dans son unicité et son altérité.
Et si les ignardes avaient tant de mal à mémoriser les syllabes, les " suffisants" , quant à eux, ne retenaient pas leurs prénoms .  Trop difficile à mémoriser ?
 A quoi bon ?


dimanche 2 décembre 2018

Trêve de Noël a Anduze

Voyage en mode miniature à Anduze ce week-end avec le fabuleux marché de Noël des Santons et de l'Artisanat. Pas de droit d'entrée payant ici à l'Office du tourisme.
Trois vastes salles  sont réservées à l'artisanat sous toutes ses formes : marché aux santons, marché de Noël et exposition des villages de Noël .
Enchantement garanti à la  salle voûtée d' Ugolin où apparaissent les merveilleux mondes des santons. Aucun " ravi " figé ou made in china   ici, mais des réalisations incroyablement créatives et minutieuses de passionnés qui ne comptent pas leurs heures.
Ainsi , Patrice Soulier s'est lancé dans la conception de son  incroyable village, en plusieurs étapes, avec des petits personnages hauts en couleurs,toujours en mouvement ; c'est du moins l'impression ressentie lorsque l'on y plonge ses yeux ébahis.
Pas moins de 1500 heures de travail depuis deux ans lui ont permis de passer du rêve à la réalité.
Ici, le joueur de pétanque se gratte l'oreille sur la placette de la mairie, là l'élève au bonnet d'âne tourne le dos dans la cour de l'école, ailleurs le papet termine sa sieste sur une terrasse . Les mariés sortent juste de l'Eglise de leur côté.
Commerces et écoles sont  représentés avec fantaisie et authenticité. Avec un sens inouï des moindres détails.
Tout est fait main, le camaïeu de verts des arbres plus vrai que nature, alors qu'ils sont réalisés, pour la plupart,  avec coton !
Difficile de détacher le regard de ce microcosme enchanté . On aimerait tant y rester.
A la manière d'Alice au pays des merveilles !


https://www.facebook.com/soulierpat30/




samedi 1 décembre 2018

Parler aux murs

Parler aux murs,
C'est comme pisser
Dans un violon,
D.R. Hélène Samzun-Dehaspe
Disait grand-mère.
Sans archet , qui plus est !
Parler aux morts,
C'est plus facile,
Là où ils sont,
Ils  répondent,
A leur façon.
Prêcher dans le désert,
Plus exotique,
Mais  aussi pathétique.
Parler pour ne rien dire,
Ça ne vaut guère mieux,
Mais parler sans retour,
C'est comme vivre sans amour.