Elles étaient douze assises autour des tables en U ; de tous les âges , des marocaines, des algériennes avec leurs yeux noirs perçants, concentrés mais jamais baissés. Avec leur joli foulard sur la tête comme nos grand-mères d'antan.
Il fallait voir leurs regards reconnaissants et leurs sourires quand nous nous intéressions à elles, leur histoire, leur apprentissage de la lecture. Sans condescendance. Dans le partage du savoir, tout simplement.
Ma Me Mi Me Mo ont-elles écrit et répété ; elles auraient aussi bien pu les chanter à la manière des cantatrices d'opéra qui chauffent leur voix avec leurs vocalises.
La bienveillance et la fermeté mêlées de Christelle,cheveux argentés et yeux enchantés, menait tout ce petit monde féminin toujours un peu plus loin, un peu plus vite, au fil des jeux de lettres inventés.
Des jeux artisanaux, fabriqués maison avait-elle l'air de s'excuser .
Izzia a pris le temps de nous expliquer qu'elle venait d'adopter sa nièce, la fille de son frère. Ouarda est devenue rouge tomate quand elle a découvert son portrait dans le journal. Trois Aïcha aujourd'hui.
La nouvelle Aïcha, tout sourire, parle français avec l'accent du midi depuis le temps qu'elle est installée à Uzès ! Mais elle apprend doucement à écrire, projette de passer son permis de conduire depuis que son mari l'a quittée pour une plus jeune. Elle garde son sourire, quoiqu'il arrive.
A l'heure du goûter, un beau petit garçon marocain est venu chercher sa maman dans la classe . Le monde à l'envers, ai-je murmuré.
Il fallait dire que toutes ces " apprenantes " avaient pris le temps de se présenter au départ, de se re-connaître. La transmission de tout savoir, partagé ou pas, ne passe -t-il pas par ces présentations ? La moindre des choses, somme toute.
Car au commencement, était le Verbe.
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