samedi 21 septembre 2019

"L'Empreinte d'un poète"

Telle s'intitule l'exposition du Musée Pierre André Benoit (P.A.B. pour les intimes !) d'Alès jusqu'au 6 octobre prochain.
Dans le cadre des journées du Patrimoine (initiées en 1984), une conférence gratuite, animée par François Amy de la Bretèque et Christian Rolot prolongeait la projection (vendredi 19) du film  de Cocteau :  "La Belle et la Bête".
L'occasion pour les deux spécialistes chercheurs de l'Université Paul Valéry à Montpellier de revenir sur une scène inédite et burlesque du film, retrouvée dans une boîte à Milly-la-forêt où les deux sœurs de l'histoire, incarnées par Jean Marais et Michel Auclair sont affublées de voix  féminines ! Un travestissement, certes innovant, qui ne devait pas correspondre aux goûts de l'époque, puisqu'il a été retiré de la version officielle.
Une  longue scène exhumée où le marchand drapier de la mythique histoire comprend qu'il a été dupé. Même si à l'époque, les intellectuels méprisaient plus ou moins le septième Art, jugé trop populaire par Paul Valéry ou Georges Duhamel, d'autres, en rupture, le considéraient au contraire comme un art neuf où tout était à inventer. A commencer par Jean Cocteau, féru de cet art dans sa globalité, y compris dans son aspect économique. Assez surprenant pour un poète, du reste !
Pour lui, le cinéma jouerait ainsi  un rôle "endoscopique" dans sa fonction, dans la mesure où il permet de découvrir ce qu'on ne connaît pas et donc de révéler l'invisible.
"Montrer avec la rigueur du réalisme les fantasmes de l'irréalité" disait Cocteau. C'est ainsi que notre génial "touche à tout" décalquera l'invisible dans ses films où toutes les inventions sont expérimentées, puisqu'il est un "amateur" ; dans le sens de celui qui "aime" et non dans le sens de dilettante. Toujours est il que Cocteau  "fait de la poésie de cinéma et non pas du cinéma poétique" qu'il exécrait selon nos spécialistes , car trop lisse et trop convenu. Un peu assimilé à un Jean-Claude Carrière de notre époque par les spécialistes, Cocteau, ce cinéaste singulier qui dresse un pont entre le cinéma d'avant-garde et la nouvelle vague, reste  un
"marginal du cinéma qui se trouve toujours au centre des choses". Ce n'est pas pour rien qu'il fut désigné à titre posthume, Président d'honneur du festival de Cannes en 1963 !
Dans un classement opéré par le Monde, il reste le premier cinéaste français (La Belle et la Bête), après Chaplin, Wells, et Kubrick !
Qui aurait cru que cet écrivain, peintre serait reconnu dans l'imaginaire collectif comme le premier cinéaste du XX siècle ?
Exposé à deux voix qui permettra ainsi au public présent de découvrir qu'un "secret exposé en pleine lumière n'en demeure pas moins un secret ".
C'est toute la magie de notre incroyable poète prestidigitateur !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire