samedi 1 février 2020

De la rumeur à La fontaine !

 

« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne mourraient pas tous,
Mais tous étaient frappés
« 

La « rumophobie » semble atteindre aujourd’hui ses limites, car la rumeur est parfois plus toxique que le mal incriminé.
Avec ce maudit coronavirus, les langues vont bon train. Et chacun d’en remettre une couche, dans une spirale pathétique.
Le café du commerce bat son plein.
Au secours, Jean de la Fontaine, ils sont devenus fous !
Il ne s’agit pas de la peste cette fois, relatée dans ce célèbre poème « des animaux malades de la peste », mais une saleté venue de l’Est. Certes.
De là à dégoiser sur tout ce qui provient du pays du soleil levant, il n’y a qu’un pas.
Vite franchi par tous les amateurs de repli sur soi et haine de ce qui diffère.
N’empêche, les rumeurs irrationnelles les plus folles courent sur cette curieuse épidémie, sans doute plus pernicieuses que le mal incriminé.
Si d’éventuels vaccins peuvent stopper le mal, aucun pour les langues de serpent qui serpentent à travers le monde.
Nous reste comme antidote, la lecture des poèmes de La Fontaine.
Effet miroir garanti.
Car si l’épidémie mourra, la rumeur ensuite, plus péniblement, le génie de La Fontaine, lui, reste intact.
Intemporel surtout.

A lire et relire face à l’ire.

*Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

vendredi 24 janvier 2020

« Tu seras un homme mon fils » .

 

Avant même que la nouvelle édition du festival de la biographie ne soit officiellement inaugurée au Carré d’Art de Nîmes ce vendredi 24 janvier à 18 heures, Franz Olivier Giesbert interviewait au théâtre Bernadette Lafont, Pierre Asouline et l’infatigable Edgard Morin.

Quand l’enfant terrible de droite, du Point, veut « croquer » le biographe de gauche, les débuts s’annoncent électriques !

« Bonjour à touuuutes , clamera haut et fort le turbulent « pointeur », alors que Pierre Assouline, rectifiera : bonjour à toutes et à tous . Pourquoi oublier la moitié de l’humanité, il est vrai ?

Le ton est d’emblée donné. Car le salut volontairement provocateur du parfois très agaçant FOG sera vite « rectifié », avec élégance, par l’académicien de chez Goncourt.

Et paf : un-partout, la balle au centre ?

Reprenant le fameux titre du poème de Rudyard Kipling, dans sa biographie, Pierre Assouline a réussi à décrire précisément son travail de biographe, entre les interruptions volontaires et bavardes d’un FOG toujours aussi autocentré ! Peu importe, spectacle assuré.

A noter cependant que son ouvrage navigue entre roman et biographie : un nouveau genre ?

Après une dizaine de biographies à son compteur, Pierre Assouline explique admirer Rudygar Kippling pour son talent sans pour autant l’aimer. (Le caractère germanophobe de l’auteur du « livre de la jungle« y est probablement pour beaucoup ?)

Nuance non négligeable dans le travail de biographe. Confiant accorder quatre-vingt-pour-cents à la recherche dans les archives, Pierre Assouline soulignera l’importance primordiale de la Voix. Selon lui, son intonation vaudrait toutes les archives du monde pour « capter » la substantifique moëlle du « sujet » d’étude.

Et Pierre Asouline de préciser à son prestigieux interviewer que certaines de ses questions paraissent quelque peu superficielles, style, « qui est votre écrivain préféré  » ?, etc, etc. Le travail de biographie ne relevant pas d’un tiercé gagnant, mais d’une étude où la complexité prime, au fur et à mesure de l’exploration.

Quant à Edgar Morin (« Les souvenirs viennent à ma rencontre« ), sans doute du haut de ses 98 ans, il sera un peu plus « ménagé » dans son traitement que son prédécesseur !

Ceci dit, ce « pascalien » convaincu, après avoir rejeté le communisme comme une erreur de jeunesse, expliquera que « le roman donne réalité à l’imaginaire. La biographie révèle le romanesque de la réalité. Quant à l’autobiographie, nul n’est mieux ni plus mal placé que soi-même pour faire sa propre biographie« ?

Tout est dit.

Son secret ? Avoir su garder intactes son âme d’enfant et sa curiosité.

A 98 ans, il applique à la perfection la devise d’un Picasso qui disait avoir mis toute une vie à réussir à peindre comme un enfant.

Sans négliger pour autant l’importance de toutes les femmes de sa vie. Un point de convergence assuré avec notre inénarrable FOG !

Tu seras un homme mon fils par I Muvrini et Grand Corps Malade

L’ « Ambigu », comique ?

 

Et un mot de plus au compteur !
Merci au cousin germain de l’illustre chef d’orchestre lillois, Casadesus ! : Frédérick, de son prénom, journaliste, présentait son ouvrage au festival nîmois de la biographie :
« Douze protestants qui ont fait la France » .
Il ne s’agira pas ici des douze apôtres, encore moins des douze salopards, mais presque.
Edgar Morin, l’infatigable, signait quant à lui à la table voisine, ses dédicaces au Carré D’art ; juste après son intervention au théâtre Bernadette Lafont.
En attendant Assouline, perdu dans les mondanités du turbulent FOG, surgit un expressif journaliste, issu de l’ illustre famille d’artistes.
Dans la famille Casadesus donc : le fils du père, directeur du théâtre « l’Ambigu Comique » à Paris.
A lui, ce jour de partager une anecdote familiale :
« L’ambigu« , c’est le nom donné au petit souper que l’on prend avant ou après une pièce de théâtre » confiait-il tout sourire ;
« C’était le nom du théâtre de mon père « l’ambigu ». Il avait beaucoup de qualités, vous savez , mon père, mais une lui faisait cruellement défaut, il n’avait pas d’humour. C’est pour cette raison peut-être que l’adjectif comique a disparu de son théâtre. »

C.Q.F.D .

dimanche 19 janvier 2020

« Sol d’hiver » !

 

Les trois lettres du titre condensent magistralement à elles seules toute la problématique de cette histoire familiale de transmission entre une grand-mère artiste présumée morte et un petit-fils plus que vivant.

Sol, outre la connotation de clé musicale de la note , argentine ici en l’occurrence, outre la référence à la puissance du soleil qui éclaire mais brûle aussi parfois, c’est avant tout le diminutif du prénom de l’actrice principale, Solange, excellente dans ce rôle à contre- emploi de Chantal Lauby.

Cette ancienne Diva, chanteuse et danseuse de tango argentin, partie vivre sa vie de femme libre à Buenos-Aire avait coupé les ponts avec ses descendants.

C’est le sublime et charismatique absent musicien disparu autour duquel tous les personnages du film se concentrent : son jeune fils, Jo, sa veuve, Eva (Camille Chamoux) et la Diva sur le retour, qui à défaut d’avoir été une mère, cherche à jouer les grand-mères. En usurpant son identité, portant ainsi le masque d’une sorte de « Marry Poppins » improvisée.

Même si le scénario reste un peu tiré par les cheveux et les ficelles un peu trop apparentes, on se laisse happé par cette épineuse tentative de « retrouvailles » sur le tard, où les questions d’inné et d’acquis sont mises en exergue.

Réussite globale pour ce premier long métrage de Jezabel Marques, puisque, malgré quelques clichés, l’émotion grandit de plus en plus en avançant dans l’histoire ; avec un suspens évidemment modéré vu que le but final est d’emblée compris. Mais comme on dit, c’est le cheminement qui vaut le détour…

Quelques scènes percutent comme celle du petit Jo demandant une explication à sa maman et grand-mère (encore pas dévoilée) sur le poème de « La Cigale et la fourmi« .

Beaucoup d’humour aussi dans les dialogues avec musique hispanisante hypnotique comme le tango.

Sorti le 8 janvier, ce « sol » d’hiver ne peut que rasséréner !

Sans trop brûler, écran -presque- TOTAL oblige.

jeudi 16 janvier 2020

L ’embellie du pont de janvier

 

Gainsbourg évoquait dans un texte son fameux "gloomy sunday", et à une autre échelle, "gloomy janvier" pourrait faire ici écho.

Selon des doctes études, le troisième vendredi de janvier serait le jour le plus déprimant de l'année, à en croire les statistiques.

Quelque soit la météo, reste la possibilité de glaner quelques "embellies" ici ou là.

Quand les nuages gardois se mirent dans le Gardon . Rares percées de ciel bleu sur le petit village médiéval.