La première fois qu 'elle le vit, il lui apparut à la fois très proche et très lointain. Familier et étranger de concert. Curieuse sensation de « déjà-vu », tel son « inter-égo ».
Bien sûr, il incarne de plusieurs manières cet étrange " étranger"
: de Tolède, au cœur de l’Espagne, aussi aride et sec que peut être
pluvieux et contrasté le rocher bellilois originaire.
La langue les sépare déjà, mais pas si lointaine somme toute avec les racines latines , aussi riante que reste parfois rugueuse celle d' Armorique.
Jeannette est née, dix ans avant lui, telle une invisible. Dans une autre vie.
Jusqu'à ce jour où deux étranges étrangers familiers se sont découverts. Avec
stupeur et curiosité !
Etranger aussi par son genre masculin. Et pourtant, son sourire lui fait
tellement écho ! Apparemment, il ne pédale pas vraiment dans la
choucroute mais dans le yaourt ! L'usine où il travaille à la
planification lui et son frère aîné à la production. Soit. Alimentaire
mon cher Watson !
Il évoque de prime abord la vie de son père au cours de leurs premiers échanges. Et pour
cause !
Juan Carlos a probablement hérité de son incroyable énergie vitale et de son aisance relationnelle. Personnage haut en couleurs, le père avait troqué sa carrière de danseur, l'âge venu, pour le monde de la reliure. Issu d'une famille de filles, il était le seul graçon, élevé par leur mère, veuve prématurément. Il avait monté son entreprise, toujours volontaire. L'épouse, beaucoup plus jeune, jouait le rôle imparti classique de l'époque. Dans l'ombre. Mais il est parti cette fois pour toujours. Elle est restée quelques années sans lui, éplorée, toujours dans son sillage. Et s’en est allée elle aussi finalement. Après son dernier noël à l'hôpital.
Selon les propos de ce nouvel étrange « étranger », le grand frère de
vingt-deux mois son aîné est encore sur la réserve, en retrait. Sans doute
attend-il, circonspect, de voir ce qu'il se passera ?
Mais que pourrait-il bien se passer d'ailleurs ? Telle est la question
cruciale.
Ni raz de marée, ni drame, ni roman.
Une réparation peut-être, et encore, symbolique, qui sait ?
La famille va-t-elle subitement s'agrandir ainsi ... ou pas ? L'A.D.N. commun dévoilé en partage va-t-il suffire ? Est-ce une question de choix, d'atomes crochus de « re-faire famille » ?
Au moins pourront-ils décider de leur sort et choisir cette fois-ci !
- « Je suis vraiment enthousiasmé d'apprendre que j'ai une
grande sœur française, mes filles et ma femme aussi » a-t-il répondu, spontané, résolument optimiste.
- « Une de mes tantes, Espéranza, se souvient bien d’une
jeune touriste française en vacances quand ils étaient danseurs, l’été 64 aux Baléares, mais
je demanderai aussi à Tante Christi à Noël. Mes amis ne sont pas
spécialement surpris de cette découverte, car mon père, Marcelino, a « vécu »
avant maman, beaucoup plus jeune que lui ».
Le passé trouble ou pas, de leurs ancêtres, une fois remonté à la
surface leur appartient-il vraiment ? Les silences volontaires ou non
pèsent-ils encore sur leurs vies ? Même à leur insu ? Qui sont-ils, ces enfants,
naturels ou adoptifs, pour les juger d’un autre espace-temps ? Passés de l'ombre à la lumière, sauront-ils faire face, ne pas être aveuglés ?
De l'Histoire, la grande sous Georges Pompidou ou la petite, plus intime, douloureuse et obscure pour les unes, invisible pour les autres, ils ne garderont que le meilleur : leurs enfants, deux fils, quatre filles dont celles du frère encore inconnu, Antonio.
Ils se ressemblent sur la photo.
Car les enfants, c'est notre éternité. Avec surtout l’Avenir à tracer ensemble.
Avec ou sans histoires en cette Terra Incognita...
Vamos !
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